Quand la perte de poids devient un enjeu de santé publique…
Jeûne intermittent : marché juteux ou réelle solution santé ?
Aujourd’hui à la demande croissante de bon nombre de lectrices et de lecteurs, j’ai décidé de vous parler du jeûne intermittent qui peut très bien être pratiqué dans le cadre de l’adoption d’une alimentation alcalinisante tel que je la préconise ici. Le jeûne intermittent et l’alimentation alcaline possèdent des atouts santé clés en commun. Ils sont antiinflammatoires, favorisent la longévité et facilitent la gestion de la glycémie de l’organisme.
Depuis le début des années 2010, le jeûne intermittent — intermittentfasting (IF) en anglais — a le vent en poupe auprès de nombreuses personnes dans le monde entier.
En effet, ce régime alimentaire promut notamment par de nombreux grands médias est devenu très tendance.
Cette popularité grandissante est-elle ou non un coup médiatique juteux financièrement ?
La recherche scientifique planche de plus en plus sur le jeûne intermittent 18:6 — manger pendant une période de 6 heures et jeûner pendant 18 heures — et ses effets sur la santé. Il est d’ailleur adapté aussi en mode 16:8, plus tenable et plus répendu sous cette forme.
D’après les chercheurs, le jeûne intermittent comme le « 18:6 » peut déclencher un mécanisme métabolique qui fait passer l’énergie basée sur le glucose à l’énergie basée sur la cétone.
Ceci s’accompagnerait d’une résistance accrue au stress, une longévité augmentée et des risques réduits de développer des maladies telles qu’obésité et cancer.
Que dit la science ?
Les preuves scientifiques appuient-elles les affirmations faites pour ces régimes ?
Dans un article de synthèse publié le 26 décembre 2019 dans la revue New England Journal of Medicine, des chercheurs révèlent de nouveaux résultats sur les bienfaits du jeûne intermittent.
Les auteurs ont étudié l’impact sur la santé du jeûne intermittent pendant 25 ans. Certains membres de l’équipe l’ont eux-mêmes adopté depuis presque vingt ans. Ils sont donc « friendly » du jeûne intermittent. Je tenais à le préciser.
Ils confirment que le jeûne intermittent pourrait faire partie d’un mode de vie sain. Leur nouvel article vise à clarifier les applications scientifiques et cliniques du jeûne intermittent, de manière à aider les médecins pour éventuellemnt guider leurs patients qui souhaiteraient l’essayer.
Les régimes à jeun intermittents se répartissent généralement en deux catégories.
L’une ou l’alimentation quotidienne est consommée sur une durée limitée, avec une plage horaire de 6 à 8 heures.
L’autre, un soi-disant jeûne intermittent nommé « jeûne intermittent 5:2 », dans lequel les gens se limitent à un repas modéré deux jours par semaine.
Avant de poursuivre, retenez bien ces différences entre les 2 grands principes : méthode 16:8 ou 18:6 et méhode 5:2.
Les études deviennent de plus en plus précises.
Une série d’études (animales et humaines) montrent que l’alternance entre les périodes de jeûne et d’alimentation favorise la santé cellulaire.
Ceci serait probablement dû au déclenchement d’une adaptation séculaire aux périodes de pénurie alimentaire. Une adaptation enregistrée dans nos gènes. Nos ancêtres n’ayant pas toujours eu un accès régulier aux ressources alimentaires.
Un tel changement se produit lorsque les cellules commencent à épuiser leurs réserves de carburant à base de sucres rapides et commencent à convertir les graisses en en énergie dans un processus métabolique plus lent qui permet de fournir le cerveau et d’assurer notre survie en cas de jeûne.
Ce mécanisme se nomme la cétogenèse.
Des études ont montré que ce « commutateur » :
- améliore la régulation de la glycémie,
- augmente la résistance au stress,
- et supprime l’inflammation.
On retrouve aussi ces 3 qualités communes avec l’alimentation alcaline. Le jeûne intermittent couplé à une alimentation alcalinisante, déjà pauvre en sucre, accentue ces trois atouts santé.
Dans l’article, les auteurs notent que 4 études sur des animaux et des humains ont révélé que le jeûne intermittent a également diminué :
- la pression artérielle,
- les taux de lipides sanguins,
- et la fréquence cardiaque au repos.
De plus, tout comme pour l’alimentation alcaline, les preuves s’accumulent également sur le fait que le jeûne intermittent peut modifier les facteurs de risque associés à l’obésité et au diabète.
Des études démontrent que des femmes en surpoids qui suivent le régime de jeûne intermittent 5:2, perdent le même poids que des femmes qui limitent les calories, mais ont une meilleure sensibilité à l’insuline.
Plus récemment, des études préliminaires suggèrent que le jeûne intermittent peut également profiter à la santé du cerveau.
Un essai clinique datant de 2019 révèle que des adultes sains et non obèses qui ont maintenu un régime hypocalorique pendant deux ans ont montré des signes d’amélioration de la mémoire dans une batterie de tests cognitifs.
Les champs des recherches ouvertes doit encore se poursuivre pour prouver les effets bénéfiques du jeûne intermittent sur l’apprentissage et la mémoire.
Pour les auteurs, les perspectives sont grandes ! Ils disent que « si cette preuve est trouvée, le jeûne, ou un équivalent pharmaceutique qui l’imite, peut offrir des interventions qui peuvent empêcher la neurodégénérescence et démence ».
Que se passe-t-il dans notre corps lors de la cétogenèse ?
Lors de jeûne glucidique, la dégradation des acides gras (donc issus des lipides) produisent la formation de molécules intermédiaires (acétyl CoA). Cet excès d’acétyl CoA est à son tour générateur de composés appelés corps cétoniques :
– Acide acétylacétique qui donnera l’acétone,
– L’acide β-hydoxybutyrique,
Au-delà de ces noms barbares et presque impossibles à retenir sauf pour les biochimistes, il est important de retenir que la cétogenèse n’arrive que lorsque l’organisme est en manque de glucides.
Que deviennent les corps cétoniques : la cétolyse
Une fois formés dans le foie, les corps cétoniques passent dans le sang et les cellules gluco-dépendantes les utilisent à la place du glucose, faute de glucides.
La cétolyse est le mécanisme qui permet la dégradation des corps cétoniques :
– L’acétone formée de manière irréversible sera éliminée par la respiration (hum hum : votre haleine aura donc une odeur d’acétone. Comme dans le film La cité de la peur par les Nuls : « Prenez un chewing-gum Emile ! ») et les urines,
– Les autres corps cétoniques sont reconvertis en Acétyl CoA.
Par la suite, cette molécule intermédiaire (Acétyl CoA) est transformée pour assurer les besoins énergétiques.
Ces corps cétoniques sont donc une importante source d’énergie pour le cerveau ou d’autres tissus gluco-dépendants (tissus musculaire, tissus cardiaque, etc…) soumis à un jeûne glucidique.
Le foie est le carrefour des voies métaboliques…
C’est le foie qui va donc contrôler l’une des voies métaboliques préférentiellement à l’autre, de façon personnalisée. Il utilisera de préférence les acides gras comme source énergétique pour ses fins personnelles et privilégiera la voie métabolique des glucides pour les autres tissus.
Néanmoins, il utilisera la voie métabolique des lipides pour les autres tissus en l’absence des glucides. C’est lui qui réceptionne toutes ces informations pour assurer les besoins de tous les corps.
A l’inverse, les cellules musculaires privilégieront, quant à elles, la voie métabolique des glucides tant que ceux-ci sont apportés par l’alimentation. Et la cellule musculaire bloque la voie métabolique des lipides : c’est le cas pour des efforts courts et de fortes intensités où le glycogène (sucre de réserve du muscle) est suffisant.
En revanche, ce n’est plus le cas lorsque les efforts sont prolongés où les glucides peuvent manquer. Là encore, l’organisme s’adapte en fonction des informations qu’il a et il enverra les informations à bon escient pour assurer les fonctions de l’organisme selon chaque situation.
Synthèse des corps cétoniques :
Plusieurs voies sont activées de façon chronologique lorsqu’on limite fortement les apports en glucides alimentaires (apports < 30 à 50g de glucides par jour) :
– Utilisation des réserves glucidiques (glycogène),
– Utilisation de protéines (notamment des acides aminés gluco-formateurs),
– Au bout de 2-3 jours, le foie commence à produire les corps cétoniques.
Différences entre jeûne temporaire, prolongé et intermittent :
Après 3 jours de jeûne, 1/3 de l’énergie utilisée par le cerveau vient des corps cétoniques.
Après 40 jours de jeûne, les corps cétoniques assurent 70% de l’énergie au cerveau (soit une production de l’ordre de 150 à 280 g de corps cétoniques par jour)
Après un jeûne intermittent : on estime la production à environ 35 g/ j de corps cétonique.
Le jeûne intermittent fera-t-il partie des futures recommandations nutritionnelles ?
D’après les chercheurs, il serait possible de bientôt envisager d’ajouter des informations sur le jeûne intermittent aux programmes des facultés de médecine, en plus des conseils standard sur une alimentation saine et l’exercice.
En même temps, la barre n’est pas haute ! 🙂
Les auteurs reconnaissent qu’ils ne comprennent pas pleinement les mécanismes spécifiques de la « commutation métabolique » (cétogenèse).
Ils reconnaissent aussi que certaines personnes ne peuvent pas ou ne veulent pas adhérer aux régimes de jeûne.
Néanmoins, ils expliquent qu’avec des conseils et de la patience, la plupart des gens peuvent les intégrer dans leur vie.
Effectivement, il faut du temps pour que le corps s’adapte au jeûne intermittent et dépasse les fringales et l’irritabilité qui l’accompagnent.
Les personnes doivent être informées que la sensation de faim et d’irritabilité est courante au début et passe généralement après deux semaines à un mois, le temps que le corps et le cerveau s’habituent à ce nouveau comportement alimentaire.
Ainsi, pour gérer cet obstacle, les chercheurs suggèrent d’augmenter progressivement la durée et la fréquence des périodes de jeûne au cours de plusieurs mois, et d’en parler avec un professionnel de la santé (bien informé sur le sujet) pour avoir un soutien et éviter des désagréments.
Le jeûne intermittent n’a aucun avantage poids par rapport aux autre régimes amaigrisants.
C’est ce que des scientifiques allemands révèlent de nouveaux résultats d’étude publiés le 23 novembre 2018 dans la revue The American Journal of Clinical Nutrition.
Dans le cadre de l’étude intitulée HELENA, la plus grande enquête à ce jour sur le jeûne intermittent, ces chercheurs ont découvert des points importants.
Leurs résultats vont à contrario de ce que de nombreux livres et blogs disent à propos du jeûne intermittent. En effet, certaines conclusions promettent grâce à son usage, une perte de poids sans effet yo-yo, ainsi que des modifications soutenues du métabolisme et des bienfaits pour la santé.
L’équipe de chercheurs de cette nouvelle étude avertit que le jeûne intermittent ne convient pas à la régulation du poids à long terme.
En outre, selon eux, il n’existe pas suffisamment de preuves scientifiques sur les effets à long terme de cette méthode de régime.
« Jusqu’à présent, il n’y a en réalité que quelques études de moindre envergure sur le jeûne intermittent, mais elles ont eu des effets remarquablement positifs sur la santé métabolique. Cela nous a rendus curieux et nous voulions savoir si ces effets pouvaient également être prouvés chez un groupe de patients plus important et sur une période prolongée », soulignent les auteurs.
Principe del’étude Helena :
Une équipe collaborative de chercheurs et de scientifiques du DKFZ (Deutsches Krebsforschungszentrum) de l’hôpital universitaire de Heidelberg, a examiné 150 participants à une étude de surpoids et d’obésité sur une année dans le cadre de l’étude HELENA. Au début de l’étude, ils ont été classés au hasard en 3 groupes :
- Un tiers suivait un régime alimentaire classique de restriction calorique réduisant l’apport calorique quotidien de 20%.
- Le deuxième groupe a suivi un plan diététique de 5:2 (2 jours sticts sur 7) qui a également permis d’économiser 20% de l’apport calorique sur toute la semaine.
- Le groupe de contrôle n’a suivi aucun plan de diète spécifique mais il a été conseillé, comme tous les autres participants, de suivre un régime bien équilibré, comme le recommande le DGE. Après la phase de régime, les enquêteurs ont documenté le poids et l’état de santé des participants pendant encore 38 semaines.
Le résultat peut être aussi surprenant que cela donne à réfléchir pour tous les adeptes du jeûne intermittent.
Les chercheurs d’HELENA constatent que les améliorations de l’état de santé sont les mêmes avec les deux méthodes diététiques.
Chez les participants des deux groupes, le poids corporel et, avec lui, la graisse viscérale ou la graisse du ventre malsaine, ont été perdus. De plus, la graisse supplémentaire contenue dans le foie a été réduite.
Les changements dans la répartition du poids corporel chez les participants à l’étude sont déterminés avec précision à l’aide d’une imagerie spéciale.
Bonne nouvelle ! Un petit succès de régime est déjà un grand gain pour la santé !
Quelle que soit la méthode diététique utilisée, ceux qui réduisent leur poids de seulement 5% perdent :
- environ 20% de la graisse viscérale dangereuse,
- et plus du tiers de la graisse du foie.
Bien que l’étude HELENA ne confirme pas les attentes euphoriques placées dans le jeûne intermittent, elle montre également que cette méthode n’est pas moins bénéfique que les régimes amaigrissants conventionnels.
D’autre part, pour certaines personnes, il semble plus facile d’être très discipliné deux jours au lieu de compter les calories et de limiter les aliments tous les jours.
Mais pour maintenir un nouveau poids corporel, les personnes doivent également adopter en permanence un régime alimentaire équilibré, conformément aux recommandations et en restant motivé.
Dans le cadre d’un jeûne intermittent, suivre une alimentation saine, naturel et équilibrée est un déterminent clé.
Enfin, selon les auteurs, les résultats de l’étude montrent que ce n’est pas principalement la méthode diététique choisie qui compte mais qu’il est plus important de choisir une méthode et de la suivre.
« Les mêmes preuves sont également suggérées dans une étude récente comparant les régimes pauvres en glucides et en graisses, c’est-à-dire la réduction des glucides par rapport à la réduction de la consommation de graisses tout en ayant une alimentation équilibrée. Dans cette étude, les participants ont également obtenu des résultats comparables avec les deux méthodes », précisent les chercheurs.
Pour conclure, les auteurs expliquent que « dans tous les cas, la perte de poids sera bénéfique pour le corps et la santé, à condition qu’elle repose sur une méthode de diète fiable et sur une alimentation équilibrée ».
Conclusion :
Un régime qui fonctionne est avant tout un régime adapté à la personne et maintenu !
Pouvoir le maintenir sous-tend qu’il ne soit pas dangereux pour votre santé en terme de carences, donc qu’il n’évite aucun type ou famille d’aliments qui à court, moyen ou long terme vous metterait en danger, par risque de carences ou encore, qui nécessiterait une complémentation.
C’est le moment précis où la science rejoins ce que je prône ici depuis des années maintenant : pour son efficacité l’alimentation alcalinisante doit s’inscrire dans la durée.
- Manger moins mais mieux, des produits naturels (le moins transformé possible).
- une alimentation sans éviction, sans risques de carences, variée, naturelle et alcalinisante.
- Manger sans excès, à satiété en prenant le temps de mastiquer et en pleine conscience (pas en regardant un écran ou en faisant autre chose, par exemple)
On en cause ?
Merci d’avance de partager votre avis, vos questions ou votre propre expèrience ci-dessous, dans la zone de commentaires. 🙂
Sources :
Rafael de Cabo, Mark P. Mattson. Effects of Intermittent Fasting on Health, Aging, and Disease. New England Journal of Medicine, Décembre 2019 ; 381 (26): 2541 DOI: 10.1056/NEJMra1905136, https://www.nejm.org/doi/10.1056/NEJMra1905136
Anton SD, Moehl K, Donahoo WT, et al. Flipping the Metabolic Switch: Understanding and Applying the Health Benefits of Fasting. Obesity (Silver Spring). 2018
Amy T. Hutchison, Prashant Regmi, Emily N.C. Manoogian, Jason G. Fleischer, Gary A. Wittert, Satchidananda Panda, Leonie K. Heilbronn. Time‐Restricted Feeding Improves Glucose Tolerance in Men at Risk for Type 2 Diabetes: A Randomized Crossover Trial. Obesity, 2019 : https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1002/oby.22449
Effects of 8-hour time restricted feeding on body weight and metabolic disease risk factors in obese adults: A pilot study. Nutr Healthy Aging. 2018 Jun 15 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/?term=29951594%5BPMID%5D
Early Time-Restricted Feeding Improves Insulin Sensitivity, Blood Pressure, and Oxidative Stress Even without Weight Loss in Men with Prediabetes. Cell Metab. 2018 Jun : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29754952
Effects of eight weeks of time-restricted feeding (16/8) on basal metabolism, maximal strength, body composition, inflammation, and cardiovascular risk factors in resistance-trained males. J Transl Med. 2016 Oct 13;14(1):290. https://translational-medicine.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12967-016-1044-0
« Diverse metabolic reactions activated during 58-hr fasting are revealed by non-targeted metabolomic analysis of human blood », Scientific Reports, 2019 ; https://www.nature.com/articles/s41598-018-36674-9 ; 9 (1) DOI: 10.1038/s41598-018-36674-9
« Looking back into the future: 30 years of metabolomics at TNO. », Mass Spectrometry Reviews 32, 399–415 (2013).
« Individual variability in human blood metabolites identifies age-related differences. », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America 113, 4252–4259 (2016).
- « Effects of intermittent and continuous calorie restriction on body weight and metabolism over 50 wk: a randomized controlled trial. », The American Journal of Clinical Nutrition, 2018; 108 (5): 933 DOI: 10.1093/ajcn/nqy196
Merci pour cet article complet et objectif ( autant qu’on puisse l’être aujourd’hui)
Patricia
Merci Patricia pour votre commentaire. 🙂 J’essaie effectivement d’être le plus objectif possible ! 😉